Cokaéen Niki Blackwood

"citation"

VOTRE HISTOIRE.Tu erres dans les rues. Sans but. Sans objectifs. Tu veux juste partir. Fuir cette vie qui fut la tienne pendant dix-huit ans. Enfin, peut-on réellement qualifier cette existence de vie ? Elle mériterait bien mieux le qualificatif d'enfer. Parce que oui, tu as bien plus souffert qu'autre chose dans ta misérable vie. Rappelle-toi. Plonge encore une fois dans ces souvenirs qui te font mal. Tu n'avais que cinq ans lorsque ta mère fut atteinte d'un cancer. C'est bizarre. Tu ne comprenais la signification de ce mot. Mais tu en avais peur. Atrocement peur. Parce que tu le voyais sur le visage de ta maman que le cancer lui faisait mal. Elle avait perdu sa joie de vivre, elle ne pouvait plus te porter et restait allongée dans son lit toute la journée. Et quand tu entendais les grandes personnes prononcer ce mot, tu la vois sur leurs visages. Cette tristesse dévastatrice. Au début, tu en avais peur. Et puis, un jour, tu appris à la détester. Sans vergogne. Parce que le cancer t'as pris ta mère et l'a emmenée au ciel, avec les oiseaux et les nuages. Ca doit être beau là-bas. Ca doit être simple. Là-bas, y a pas de putain de cancer.

Tu retombes lourdement sur le sol. Ta joue te brûle et tu peux encore sentir le contact de sa main calleuse sur ta peau douce. Tes yeux picotent sous l'effet des larmes. Mais aucune ne coulent. Elles ne peuvent pas. Elle ne doivent pas. Ce serait montrer qu'il a gagné. Et ça tu ne peux pas te le permettre. Tu relèves alors la tête. Et tu croises le regard de ton paternel. Ce que tu y vois suffit à te glacer le sang. Cette lueur de haine et dégoût te donne des sueurs froides. Parce que oui, tu dégoûtes ton propre père. A ses yeux, tu n'es qu'un boulet. Un enfant médiocre et sans avenir. La coupable de la mort de son amour. Et il se doit de la venger. De vous faire payer, à toi et à ton frère, a mort de votre mère. Si vous aviez été plus sages, si vous aviez un tant soit peu respecter le besoin de repos de votre mère, il est sûr qu'elle serait encore parmi eux à ce jour. Alors il se défoule. Il rejette toute sa souffrance, toute la douleur qui lamine, sur vous, pauvres enfants sans défense qui encaissent les coups sans bruit. Tu te relèves difficilement. Tu as mal aux côtés. Et tu sens déjà le bleu se former sous ta peau. De toute façon, un de plus, un de moins, qu'est-ce que ça change. Tu t'apprêtes à sortir du salon mais il s'agrippe à tes cheveux et te tire vers lui. Un cri aigu s'échappe bien malgré toi de ta bouche. Tu essaies tant bien que mal de te défaire de son étreinte, mais rien y fait. Que vaut la force d'une adolescente à la silhouette si frêle contre celle d'un adulte sous l'emprise de la colère ? Rien. Et tu l'implores. Tu le supplies d'arrêter. Mais ça ne fait qu'attiser sa jouissance face à la situation. Pendant un instant, tu crois qu'il va te tuer. Il a toutes les cartes pour le faire en tout cas. Et bizarrement, la perspective de mourir ne t'effraie pas plus que ça. La mort, ça doit bien valoir mieux que cette putain de vie de merde. « Lâche-la tout de suite. » Ton frère arrive tel un ange tombé du ciel. Ton sauveur. Ton échappatoire. Ta seule bouffée d'air fraîche dans cette maison aux senteurs morbides. Il ne te regarde pas mais fixe plutôt la personne qui vous sert de père. Son regard est froid. Dur. Il n'a jamais faibli devant votre père. Avec le temps, il s'est forgé une carapace. Encaisse les coups comme si ça ne lui faisait rien. Au fond, tu sais qu'il souffre de la situation. Mais il n'en laisse rien paraître. Parce qu'il doit se montrer fort pour toi. Sinon, c'est la fin. Pour vous deux. « Qu'est-ce que tu vas me faire hein ?! » Il se rapproche de toi et d'un geste fait reculer ton père. Ce revirement de situation ne plaît pas beaucoup à ce dernier qui semble vouloir revenir à la charge. Alors, Maxence te pousse et tu retombes dans le divan. Et tu le vois asséner un coup à ton père. Ce dernier s'écroule à terre. Ton frère se retourne pour te faire face, un sourire éblouissant sur le visage. Te sentant un peu obligée, tu le lui rends. Mais t'as pas envie de sourire. T'as juste envie de te casser de cette vie pourrie.

Avec une habilité innée, tu escalades facilement le mur de la demeure des Coosby. Il faut dire que l'as escaladé bon nombre de fois. Plus tu te rapproches de la fenêtre et plus tu perçois la musique provenant de la chambre de Léo. Tu te mordilles légèrement la lèvre inférieure à cause de l'effort. Arrivée à hauteur de l'appui de fenêtre, tu balances ton sac dans la pièce et enjambes la fenêtre pour entrer. Sans surprise, tu découvres les deux hommes de ta vie. Les trois mousquetaires comme on vous surnommait tellement vous étiez inséparables. Ton arrivée interrompt leur conversation. Tu poses tes mains sur tes hanches et pousses un long soupir. « Je suis dans la merde les mecs. » A ton ton, ils devinent tous les deux que la situation est grave. Léo se redresse subitement et pose sur toi un regard alarmé. Ah... Léo. Ce beau petit Léo. Tu t'approches de lui et t'assois sur ses jambes. Passant un bras autour de son cou, tu exposes à tes deux amis le pétrin dans lequel tu t'es foutue. Oui, tu t'es cassée de chez toi sans rien dire. Oui, tu te retrouves bien à la rue, sans endroit pour vivre. Non, ça ne t'inquiètes pas plus que ça parce que pour une fois, tu te sens débarrassée de ce poids qui t'empêchait de vivre. « Tu veux dormir ici ? » Tu savais très bien que tu pouvais compter sur eux. Après tout ce sont tes amis. C'est un peu comme ta famille. Sans eux, c'est simple, tu n'es rien.

et derrière tout ça: c'est moi.

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